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21 mars 2020

Les exigences de la cohésion sociale

Les préfets ont reçu les instructions et les appliquent avec célérité. Les arrêtés tombent, tombent, comme à l'hécatombe. Interdiction d'accès à la plage, à la montagne, aux berges et parcs. 

La motivation est sanitaire. Eviter les contaminations mutuelles. 

Certes.

D'accord.

Bien sûr.

Je comprends.

La Constitution le proclame dès son article premier. La France est une et indivisible. La règle doit donc s'appliquer partout, sans réserve. Au diable la diversité, l'altérité, le localisme, la décentralisation, la subsidiarité, le situationnisme. Adieu l'individualisme, père de tous les maux libéraux. Le confinement est une ouverture d'esprit : face au danger, changeons ; écartons le discernement et la responsabilité individuelle que l'on enseigne depuis les Grecs et les Lumières, entreparenthésons le mythe de la liberté, privilégions la discipline à la chinoise.

Quelle est la cause, quel est l'effet ? L'ami Edgar appelle à la prudence. Les causes et les effets sont circulaires, l'effet est devant la cause, les faits sont partout et autour, l'écho se propage comme le virus.

Revenons à nos moutons, si paisibles. Les préfets, comme vous et moi, savent bien que les interdictions prononcées ne sont pas uniquement, et même vraiment, fondées sur des intentions prophylactiques. L'important est la cohésion nationale, l'exemplarité. Que dirait le peuple confiné en ses appartements urbains, la police patrouillant dans la rue, s'il voyait à la télévision les images de privilégiés respirant le grand air de l'Atlantique ou des Alpes sous le soleil printanier ? 

Ainsi, voici l'enchaînement des motivations que l'on peut subodorer : le virus combiné à la situation de la santé publique en France (manque de masques, de capacités de tests, de soignants, de respirateurs, de lits d'isolement …) et à sa tradition centralisatrice induit des décisions visant à limiter la propagation du virus et en même temps à  protéger la cohésion nationale nécessaire pour protéger l'Etat pour que celui-ci soit en capacité de prendre les décisions nécessaires pour maîtriser la crise sanitaire … et demain pour relancer la machine.

La cohésion sociale est à la fois cause et conséquence des décisions prises : en l'absence de cohésion sociale préalable, jamais l'Etat ne pourrait agir ; l'objectif de maintenir la cohésion sociale guide légitimement les décisions de l'Etat, y compris sur des interdictions maladroitement justifiées par le souci de limiter les contaminations.

L'évidence est aveuglante et n'est donc pas énoncée comme telle. La crise est d'abord une question de solidarité humaine. Nous en reparlerons lors de la reprise, du plan de relance et des procès intentés aux boucs émissaires si utiles à la cohésion de la communauté. Chacun aura à se prononcer sur les solidarités à construire.

Francis Odier, 21 mars 2020

02 octobre 2012

Le texte ou le contexte ?

A propos de la ratification du traité sur le pacte budgétaire :

Mardi 2 octobre 2012, devant l’assemblée nationale, le premier ministre a déclaré (selon LeMonde.fr) : "Formellement, vous allez être appelés à voter sur la ratification du traité. Mais à travers votre vote, c'est sur la réorientation de l'Europe que vous vous prononcerez".

Alors, si je suis pour la réorientation de l’Europe (à supposer que le sens de cette réorientation soit clairement défini), mais que je trouve que le traité n’est pas bon, comment je vote ? Ce renversement des valeurs, cette sorte de confusion volontaire entre le texte, le contexte et l’intention du porteur du texte est très fréquente en matière politique. Je pense que c’est désastreux car cela pollue la réflexion, rend hasardeuse l’interprétation du vote des élus et, ainsi, dégrade la confiance dans les institutions.

Nous avons besoin de réapprendre à lire et à discuter vraiment les textes de lois … vaste réforme intellectuelle.

06 septembre 2012

L'agonie du conseil - Ode aux Etats Généraux de Crolles

Septembre 2012 : Le journal municipal de Crolles annonce la tenue des prochains Etats Généraux, le 18 octobre. La municipalité fera un « bilan de mi-mandat » avec des films et, sans doute, un discours du maire. Au même moment, le débat sur le cumul des mandats reprend vigueur car l’échéance du non cumul approche pour les élus socialistes qui s’y sont engagés au plus tard pour fin septembre. C’est dans ce contexte que j’ai écrit cette contribution au bilan de mi-mandat.

 

 

Martine écrit aux parlementaires. A Crolles, qui sera le prochain maire ?

 

Le cumul est un désastre.

Le baron perché sur son astre surplombe la critique

 

Le conseil unanime porte le patron. Brottes fulmine et ricane au balcon.

 

Les conseillers courbent l’échine, dociles comme au PC en Chine.

 

Leur bon vouloir, la concentration des pouvoirs.

L’intérêt général, la voix du caporal.

 

La génération des François domine.

Anne et Jean sont dignes d’éloge, parfois.

Mais en public, jamais ils ne dérogent.

 

Vincent sur le fil, déambule et offre son profil.

Ne le laisse pas tomber, tu sais, c’est pas si facile.

 

Le plus fort est le plus servile. Les faibles ont fui, j’en suis.

 

Du cumul, tous s’accommodent. Que veux-tu, c’est la mode !

D’accord pour changer, si c’est sans danger.

 

Pleure Rousseau et les Lumières.

Peuple endormi, Souviens-toi de Vizille, les tuiles, la Bastille envahie.

Guérir l’aboulie, qui en a encore envie ?

 

Le bilan est convivial, comme à carnaval.

Les chiffres défilent masqués, et content des sornettes.

Sur le char de tête trône Gigi la brouette.

 

La culture tout en haut. Oui, chapeau pour Jargot.

Des pistes pour les vélos.

Esquive, mesquinerie, duperie, brasserie, déchetterie.

Tout un plat pour cet agenda.

 

Ils ont promis la déviation. J’attends la démission.

 

Gaspillage à tous les étages.

Ni vague ni blague. L’écologie en rade. Le pays dans la panade.

Ces Etats sont une mascarade, des Généraux en pantalonnade.

 

Enfin, on le devine, la lutte patine.

Au pied des falaises grandit le malaise.

Le mépris s’échappe.

Que faire de ces fadaises semées sur la toile ?

Les gugusses les écharpent – vauriens sans voile ni panache.

 

Francis Odier

20 mars 2012

Drame de Toulouse, symptôme de démocratie d'émotion

Ce soir, à Froges puis à Crolles, étaient prévues des rencontres avec Arnaud Montebourg et Alain Vidalies, député des Landes, en charge de l’emploi dans l’équipe de campagne de Hollande.

Au petit matin, notre député nous informe : « suite au drame de Toulouse, François Hollande et son équipe de campagne ont décidé de suspendre jusqu'à mercredi les actions de campagne prévues. Les venues d'Arnaud Montebourg et d'Alain Vidalies sur la 5ème circonscription sont annulées. »

Pour moi, cette décision n’est pas bienvenue. Elle est symptomatique d’une démocratie malade, rongée par des dérives si ancrées dans la société qu’on ne les voit plus.

L’hommage aux victimes et la sympathie (au sens propre de souffrir avec) avec leurs proches imposaient sans doute de modifier la forme et le contenu des interventions envisagées, mais non d’annuler ces rencontres avec des parlementaires engagés dans la campagne électorale.

Au contraire, si on voit la politique comme la recherche du mieux vivre ensemble, alors un tel drame devrait décupler nos énergies militantes, nos envies de débattre pour comprendre et proposer. Une campagne électorale devrait être un moment privilégié pour cela.

Voilà ce que je ressens : certains candidats suspendent leur campagne car ils sentent confusément que leurs discours électoraux, sur le fond et la forme, ne sont pas à la hauteur des enjeux de notre société divisée, ne répondent pas vraiment à l’idéal de fraternité que chacun se remémore dans une période de deuil.

Cette suspension sonne comme un signal : alerte ! La campagne manque de profondeur.

Suspendre la campagne après un tel acte criminel, c’est, encore une fois, privilégier la démocratie de l’émotion.

Mélenchon et Bayrou ont fait des choix différents. Je les en remercie.

Et pourquoi faudrait-il que le pays tout entier marche au même pas, ressente les mêmes émotions au même moment, se soumette machinalement aux décisions du chef ?

Les candidats décident ce qu’ils pensent être juste dans leur situation. Mais, ici, dans le Grésivaudan, pourquoi Brottes n’a-t-il pas l’indépendance d’esprit et l’autonomie nécessaires pour décider, avec ses camarades locaux, de la meilleure manière d’adapter la réunion aux circonstances ?

L’excès de discipline et de conformisme nuit gravement à la démocratie.

Francis Odier, 20 mars 2012

A lire sur  http://www.liberation.fr/politiques/01012397154-toulouse-apres-la-treve-la-campagne-redemarre

Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) a pour sa part décidé de poursuivre sa campagne, en expliquant qu'il s'agissait «d'un acte de résistance». «Poursuivre la campagne, c'est un acte de résistance morale, intellectuelle et affective», a lancé l'eurodéputé, avant un déplacement à Massy, sur le thème des services publics. «C'est montrer qu'en toutes circonstances, la vie l'emporte sur la mort», a poursuivi Jean-Luc Mélenchon, dont l'agenda n'a pas été modifié. «Il ne faut pas mettre notre bouillante démocratie entre parenthèses du fait d'un odieux dégénéré assassin», a-t-il ajouté. «Nous ne sommes pas à la merci d'un dégénéré, il ne fait pas la loi, il ne nous impose pas son rythme, nous le rattraperons et il paiera», a-t-il insisté.

François Bayrou, candidat du MoDem, fait de même. «Ce n'est pas avec une parenthèse de trois jours qu'on y mettra un terme (à l'intolérance). Je ne pense pas à ces évènements de façon électorale mais de façon nationale. Ce climat d'intolérance croissant, il faut y mettre un terme. C'est la responsabilité du président de la République et du futur président de la République de dire aujourd'hui : on ne peut pas continuer comme cela», a déclaré à la presse François. Bayrou, en visite à Valence sur le thème de la santé.

(…)

Dès lundi soir, François Bayrou, le candidat MoDem, a relancé (le débat politique) en jugeant que la tuerie de Toulouse trouvait ses racines «dans l'état d'une société» malade de ses divisions et, surtout, en accusant les responsables politiques qui «montrent du doigt» en fonction «des origines» et font «flamber les passions».

«Les hommes publics ont le devoir de veiller à ce que les tensions, les passions, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues», a-t-il dit. François Bayrou n'a publiquement visé personne mais a confié à la presse avoir en tête le discours de Grenoble, dans lequel Nicolas Sarkozy avait établi en 2010 un lien entre délinquance et immigration.

François Hollande l'a suivi mardi sur le même thème. «Il y a des mots qui influencent, qui pénètrent, qui libèrent, ceux qui ont des responsabilités doivent maîtriser leur vocabulaire», a-t-il relevé, «au sommet de l'Etat, rien ne peut être toléré, rien».

13 février 2012

Le Monde en chien de garde

"Le chaos politique en Grèce menace le plan de sauvetage" - en page Une du Monde du 12 et 13 février 2012

Ce titre est admirable ! Quelle belle synthèse.

Cette expression de "plan de sauvetage", par l'imprécision de sa cible, est manipulatrice. De quoi s'agit-il ? Sauver la Grèce ? Sauver les propriétaires grecs ? les salariés grecs ? ... ou sauver les créanciers de la Grèce ?

Il faut remarquer l'inversion de la fin et des moyens. Le plan de sauvetage devrait être un moyen de sortie de crise, le voilà promu au rang de finalité.

Le problème est nommé, sans fard : c'est le chaos politique. Mieux vaut l'ordre et la docilité ...

Quand un journal qui se veut honnête nous assène un tel titre, on comprend que la pensée dominante est vraiment bien protégée.

Francis Odier, en colère