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19 avril 2020

Quel jour d'après ?

Tribune rédigée pour France Nature Environnement Auverne Rhône-Alpes.

La sortie de confinement se profile, elle finira bien par advenir. Chaque jour, la presse publie des dizaines d’articles et d’appels sur le thème du jour d’après.

Mais de quel « après » s’agit-il ? Réfléchir sur « après le confinement » de nos petites personnes serait à courte vue, or nous nous inscrivons dans le temps long et nous essayons de voir large. Se projeter dans un « après le virus », ou même un « après le Covid-19 » serait bien naïf car il nous faudra faire avec les virus, celui-là et les autres, et les nouveaux que nous ne connaissons pas mais qui surgiront un jour là où on ne les attend pas.

Oui, nous devons faire avec le monde, la nature, la faune, la flore, les cours d’eau et les rues, les clairières, les champs et les places de ville, les vents, les poussières, les navires et les réseaux informatiques …

La crise sanitaire, par ce qu’elle révèle et bouleverse, ouvre le champ des possibles. Après la période de sidération et de repli, voici revenu le moment du goût de l’avenir.

1) Nous sommes surpris, mais il n’y a pas de surprise. L’épidémie de Covid-19 a surpris le monde, mais le problème des pandémies était annoncé. Comme pour le climat il y a 20 ans, l’origine anthropique est suspectée, mais n’est pas démontrée selon les méthodes scientifiques classiques et ne fait pas consensus. Ne perdons pas à nouveau des années précieuses pour nous préparer et éviter le pire. Le principe de précaution et un devoir de responsabilité doivent nous guider.

Il est temps de vraiment écouter ceux qui alertent sur les menaces induites par l’érosion de la biodiversité et le réchauffement climatique.

2) La dimension systémique - tout est lié, interagit et transforme le monde - saute aux yeux. L’épidémie, née quelque part en interaction entre le monde viral, la faune détournée de ses espaces et conditions naturelles, et l’humanité, se propage avec la mobilité et les activités humaines. Elle percute l’économie, la démocratie, accentue les inégalités sociales, suscite de nouvelles violences. Les disparités de logement deviennent cruelles. Les pathologies préexistantes (obésité, diabète, insuffisances respiratoires … qui dépendent elle-même de l’environnement) deviennent facteurs aggravants.

3) Les phénomènes intenses que nous vivons depuis quelques mois sont de même nature systémique que ceux engendrés et à venir par le réchauffement climatique. L’échelle de temps et la dramaturgie diffèrent, mais la pandémie peut être vue comme la préfiguration d’autres épisodes sinistres ou situations calamiteuses reliées au climat.

L’empreinte humaine sur la Terre et ses interactions avec le milieu physique et vivant perturbent les milieux naturels et dérèglent le climat et le vivant. Voilà ce que nous vivons, voilà ce à quoi il faut nous préparer, en commençant par réduire notre empreinte sur la planète et à préserver les milieux naturels proches de nous.

4) Une expérience grandeur nature. Jamais, depuis des décennies, on n’avait autant entendu le silence, l’air n’avait été aussi pur, les animaux s’étaient approchés des villes. Effets collatéraux fugaces ou rappels salutaires qu’il est possible de vivre autrement, dans un autre environnement ? N’oublions plus la violence des moteurs et l’envahissement par le bruit. Luttons pour le silence où seule la vie résonne.

La crise a suscité de nouvelles solidarités et des coopérations inédites. La coopération, occultée par l’idéologie de la concurrence, doit redevenir le socle de nos sociétés.

5) Le pays peut changer très vite. L’Etat a ordonné l’urgence sanitaire et les mesures associées, l’administration, les entreprises et la population ont suivi. Après deux mois d’indécision, peu importent ici les raisons, la société, en particulier le secteur hospitalier, mais aussi le monde économique, a montré une extraordinaire capacité de réaction que l’on ne soupçonnait pas.

La collectivité a pu faire des mauvais choix, elle garde intacte la capacité de les corriger et d’aller de l’avant.

6) Le pire n’est pas exclu. La sortie de crise, avec la volonté probable de reprise rapide et de relance de l’économie, risque d’être violente pour le vivant. Nous avons été échaudés par la relance de 2009 – 2010. Ce fut désastreux pour l’environnement, avec pléthore d’infrastructures routières stériles, et la poursuite aveugle de l’économisme stérile qui mine la société.

Aujourd’hui, la tentation de la relance par les infrastructures demeure, comme on le voit dans l’Allier avec l’enquête publique déclarée urgente pour l’A79. D’autres fuites en avant sont possibles, à commencer par celle de la digitalisation, la société du numérique, la connexion permanente et partout des humains et des objets grâce à la 5G, la 6G.

Il y a urgence et nous avons une obligation de vigilance : apprendre de nos erreurs et changer de voie.

7) Une invitation à l’audace. C’est peut-être l’enseignement concret le plus évident de cette crise. Le plus jamais ça que l’on entend de toutes parts s’adresse aussi à nous, militants et sympathisants de la nature et de l'environnement. Nous ne devons plus nous auto-censurer ou rester timoré dans nos avis comme nous avons parfois pu l’être avec le souci de paraître réaliste, raisonnable, bon gestionnaire, consensuel. La crise nous incite à l’audace dans nos propositions. Il ne s’agit pas de radicalité, mais plutôt de sincérité : dire ce que nous croyons juste de faire.

8) Besoin d’éthique. La vie, la mort, l’essentiel. La santé, pour faire quoi ? L’union nationale, à quel prix ? La crise accélère des changements en germe et nous devrons nous intéresser à des questions éthiques se posant désormais avec acuité.

Le confinement a mis en exergue les inégalités sociales. Certains ont vu le printemps s’épanouir, d’autres sont restés enfermés entre les murs. La nature en ville n’est pas qu’une question de résilience et de lutte contre les îlots de chaleur. C’est aussi un sujet de justice sociale.

Les libertés publiques, individuelles et collectives, s’effacent devant le primat de la sécurité et de l’ordre. Comment faire l’expérience de la nature quand la liberté est dite superflue ?

Les frontières s’effacent entre le naturel et l’artificiel. Nous aimons les écosystèmes, la faune et la flore et surveillons les plantes invasives. Intéressons-nous aussi aux humains et aux communautés, aux transhumains et aux technologies intrusives.

Chacun est placé devant des choix de valeur. A nous de contribuer à la réflexion éthique.

9) Orienter la politique autour des biens communs. Si l’écologie est l’art et la science de la coexistence, alors elle rejoint la politique en incluant tout le monde vivant. Que les associations de protection de la nature s’assument enfin comme des mouvements politiques qui œuvrent pour les biens communs.

En permanence, nous faisons des propositions pour les biens communs du monde vivant : l’air, l’eau, les sols, la biodiversité, la justice écologique et sociale … Inutile de les reprendre ici, les sujets sont documentés par ailleurs.

Voici notamment les Solutions Fondées sur la Nature (https://www.fne.asso.fr/publications/sfn) publiées à l’occasion des élections municipales : des solutions concrètes et efficaces existent. Elles sont basées sur la nature, partout et au plus près de chacun.e, dans tous les territoires.

FO, 14 avril 2020

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