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11 mai 2011

Ethique de la transparence

« L’année 2011 doit être celle de l’éthique » nous propose le médiateur de la république.

 

Nous avons besoin de transparence sur l’éthique. Alors, voici mon éthique de la transparence, les principes dont je m’inspire et que je voudrais voir appliquer en politique.

 

1) Sincérité dans l’expression publique des intentions. Un exécutif devrait afficher ses projets dès qu’ils sont clairement conçus et qu’ils sont engagés (ce qui ne veut pas dire qu’ils vont aboutir). Par exemple, une municipalité devrait afficher ses projets en matière d’urbanisme (les contacts avancés avec la grande distribution ou avec un promoteur). Un élu devrait afficher ses intentions personnelles quand elles sont claires dans sa tête : ce qu’il veut faire de son mandat, s’il envisage ou non de faire une carrière etc. Pour la présidentielle, je préfère Hollande, Royal, Montebourg et de Villepin qui jouent mieux le jeu de la transparence précoce que DSK et Sarko qui font semblant de ne pas savoir s’ils ont envie d’être candidat. Ce principe de sincérité suppose que la société dans son ensemble devienne tolérante, voire bienveillante, vis-à-vis des changements de cap et des échecs : en gros, je te demande d’être sincère sur ton intention ici et maintenant, et j’accepterais sans sourciller que tu changes d’avis. Dit autrement, si nous voulons la sincérité, nous devons accepter la réalité, à savoir les échecs et les volte-face  

 

Equilibre entre la sincérité sur ses opinions et l’auto-censure par discipline collective. Je ne suis pas assez naïf pour espérer que chaque élu parle aussi librement que je peux le faire ! Je comprends bien qu’un exécutif ou même une majorité ne peut fonctionner que s’il existe une certaine cohésion en son sein. Mais tout est affaire d’équilibre. Les assemblées de godillots et l’omerta tuent la démocratie.

 

2) Effort permanent pour distinguer les faits et les opinions. Refus de la langue de  bois et des discours manipulateurs. Equilibre entre les grandes idées théoriques, les grandes envolées lyriques fumeuses et les idées concrètes appuyées sur la réalité. La responsabilité de ceux qui ont le pouvoir est de produire des discours honnêtes. Cf le « petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Baillargeon. Les discours creux, faux et / ou manipulateurs sont une source majeure de perte de confiance des citoyens dans leurs élus.

 

3) Obligation de signature = refus de l’anonymat, refus de la pratique des ballons d’essai, des fuites contrôlées.

 

4) Transparence complète et fluide (publication rapide sur des sites publics) de tout ce qui est rapport d’étude, appel d’offres, avis sur un dossier, document présenté en commission, courrier officiel entre deux institutions etc.

 

5) Transparence rigoureuse sur les indicateurs qui objectivent la vie de la collectivité - via des organismes indépendants chargés de collecter et publier  toute donnée factuelle concernant la collectivité : les comptes, les agressions et incivilités,  la fréquentation des établissements publics, transports publics, le trafic routier, la qualité de l’eau, la qualité de l’air, … Si déjà, les collectivités publiaient rapidement ce qui existe, on franchirait un bon pas. Ensuite, sans dépenser grand-chose, les collectivités pourraient financer des structures associatives chargées de ce travail via des contributions citoyennes bénévoles.

 

6) Pluralisme des expertises : pour les sujets complexes où il est illusoire de chercher une vérité unique et objective, la transparence suppose des dispositifs de controverses. Cf l’exemple du nucléaire. Cf aussi les questions d’urbanisme et d’aménagement local.

 

7) Respect de la confidentialité (non transparence) des conversations privées, des propos tenus lors des réunions non publiques, de la correspondance privée, de la correspondance officielle au sein d’une ligne hiérarchique ou au sein d’une même institution, des rapports provisoires et documents de travail échangés entre un prestataire et son donneur d’ordre. Toute instance peut légitimement se réunir à huis clos. Je ne suis pas favorable à une transparence à la mode Wikileaks. Cependant, la correspondance privée peut être publiée après … un certain temps (quand le canon est refroidi, par exemple, à des fins historiques ou avec l’accord des intéressés).

 

Si ces principes avaient été respectés, la Rocade Nord aurait disparu beaucoup plus vite de la circulation, Montbonnot serait déjà dans la Métro (l’agglomération grenobloise), nous n’aurions pas eu la baisse de la TVA sur la restauration, le bouclier fiscal n’aurait pas dépassé l’imagination de quelques personnes fortunées, Ben Ali aurait quitté le pouvoir il y a déjà de longues années, etc etc.

 

Francis Odier, 11 mai 2011

La transparence fumée crolloise

On le sait à propos du nucléaire, des risques technologiques ou de l’économie, la transparence est une exigence de démocratie et d’efficacité. La crise des subprimes est pour une large part la conséquence directe de l’opacité des marchés financiers. La crise grecque a été d’autant plus grave que les comptes de l’Etat Grec n’étaient pas sincères. Ce que l’on nomme « les affaires » politico-financières, les conflits d’intérêts, ne sont rien d’autres que des dérives qui prospèrent à l’abri des regards et qui n’auraient jamais vu le jour dans un régime de transparence.

 

On pourrait multiplier les exemples. Retenons que la fluidité, la justesse et la sincérité de l’information sont des conditions vitales pour toute ambition démocratique.

 

En matière de transparence, la situation crolloise n’est guère satisfaisante comme le montrent les exemples ci-dessous. Le maire, en habile manœuvrier, avec le soutien sans faille de sa majorité, ne franchit pas la ligne rouge qui pourrait le mettre en danger. Il est plutôt borderline : donner le moins d’information possible, le plus tard possible, tout en s’affichant légaliste et de bonne volonté. C’est la forme qui masque le fond.

 

Je commence par un sujet d’actualité : l’obstruction vis-à-vis du droit d’expression des conseillers de l’opposition. Refus de l’expression politique de l’opposition sur le site web de la commune. Refus de publier ma chronique de mai dernier. Refus de donner la parole aux minorités à l’occasion des Etats Généraux de Crolles … La majorité crolloise apprécie peu le pluralisme, elle préfère l’entre soi.

 

Le budget 2011 a été voté en mars sans que les conseillers ne disposent des comptes réalisés 2010. L’information comptable sera publiée plus tard (fin juin), trop tard. Un directeur financier qui demanderait ainsi à son conseil d’administration ou à son comité d’entreprise d’approuver le budget de l’année n + 1 sans donner le réalisé provisoire de l’année n serait immédiatement limogé. Mais nous sommes à Crolles et la majorité vote le budget sans demander les comptes réalisés.

 

Via le vote du budget 2011, la majorité vient brusquement de décider le déménagement de la déchetterie pour 3 M€. Pour quoi faire ? Pour installer une nouvelle enseigne commerciale ? Laquelle ? Quelle urgence commande cette décision inopinée, jamais évoquée durant les discussions sur le PLU ? Voilà un manque criant de transparence sur les intentions et sur le processus de décision.

 

Concernant les finances, la commune devrait publier le détail de ses comptes sur le site web de la ville. Il ne s’agit pas de communiquer avec des graphiques soigneusement calibrés, mais de fournir des données sources, sur un format standard, de manière à permettre à chaque citoyen de s’approprier les chiffres et de produire ses propres analyses. Cf ma chronique sur la main à la pâte.

 

J'apprend incidemment que la municipalité remet le tracé de la déviation en étude. Pourquoi ? Avec quels objectifs ? Quelles contraintes ? La transparence, ce n’est pas distiller au compte goutte des informations choisies, ce devrait être la mise à disposition des élus et de la population des éléments disponibles pour apprécier la situation, faire des propositions et se préparer à donner un avis sur le projet de la municipalité.

 

Intéressons nous aux Transports du Grésivaudan. La transparence sur la fréquentation du réseau (avec des informations détaillées et fournies régulièrement) permettrait de répondre aux interrogations suscitées par la vue de bus vides et contribuerait à nourrir le débat sur les ajustements nécessaires de l’offre de transport.

 

Sur le quartier durable, en réunion publique, on nous annonce que la concertation démarre tout juste et qu’il faut en fixer ensemble les modalités. Dans le même temps, la commune lance un appel d’offres pour la maîtrise d’œuvre des voies et des réseaux, des priorités et un planning ont été établis, une enveloppe financière a été estimée, la répartition par type d’habitat est faite … Cahier des charges - pour maitrise d'oeuvre voirie et réseaux quartier durable.pdf

Le Plan Local d’Urbanisme est, avec le budget, une décision locale majeure, structurante pour l’avenir à moyen et long terme de la commune. Le PLU de Crolles a fait l’objet de réunions publiques, d’une exposition dans une salle communale et de plusieurs commissions cadre de vie. Très bien … sauf que le règlement d’urbanisme lui-même, qui est le cœur du sujet, la partie concrète, n’a été communiqué aux conseillers qu’une semaine avant la réunion du conseil municipal où il a été approuvé. Donc le règlement n’a pas été discuté. Il a été remis le plus tard possible, ce qui est la meilleure manière de limiter les analyses critiques.

 

Dans le cadre de l’enquête publique sur le PLU, le préfet et le commissaire enquêteur émettent des avis critiques qui pointent des faiblesses du dossier. Je demande la mise en ligne de ces avis, ainsi que l’avis de Trait d’Union, sur le site de la commune. Refus.

 

Nous avons là toute l’ambigüité de la transparence fumée. Formellement, l’information est disponible en mairie. Mais si, confiant dans vos élus majoritaires, vous vous contentez de lire et d’entendre la communication municipale, vous n’avez qu’une vision tronquée du dossier. Vous pouvez croire que vos conseillers d’opposition sont des marginaux enquiquineurs par principe … alors que, sur bien des sujets, ils sont en phase avec le préfet et le commissaire enquêteur !

 

La digue du Fragnès. Pendant plus de deux ans, je demande à consulter les études de positionnement de cet ouvrage pare-blocs qui fait débat car tout montre qu’il a été conçu en vue de la poursuite de l’urbanisation, et non dans le seul but de protéger les habitations, ce qui est pourtant l’objectif affiché. Après moult péripéties qui sont trop longues à raconter ici, le directeur des services techniques convient enfin, en commission Cadre de Vie, qu’il n’y a pas eu d’étude formelle, mais, à l’époque, une appréciation sur le terrain, sans compte-rendu écrit. Aujourd’hui, deux mois après la réunion, le compte-rendu de la commission n’est pas diffusé. Je ne sais pas si le propos du directeur technique, qui serait la première confirmation de source officielle que le positionnement n’a pas été étudié sérieusement, sera publié.

 

Enfin, pour conclure sur un thème qui sort de la pure responsabilité communale mais dont la municipalité pourrait cependant se saisir, le débat sur l’agriculture (nos agriculteurs sont-ils raisonnables dans l’utilisation des pesticides ?) progresserait considérablement s’il y avait transparence sur les produits phytosanitaires utilisés et sur les quantités consommées.

 

Francis Odier, 11 mai 2011

Selon le médiateur, "notre monde a besoin de morale publique"

Le médiateur de la république vient de publier son rapport 2010. A lire et méditer.

 

http://www.mediateur-republique.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1300292092_Mediateur_RA2010_VD.pdf

 

Extraits :

 

Editorial : « Notre monde a besoin de morale publique. Notre peuple retrouvera confiance en ses élites si elles sont exemplaires.

 

L’année 2011 doit être celle de l’éthique, de la transparence pour toutes celles et ceux qui exercent le pouvoir, notamment s’agissant des financements et des conflits d’intérêt. L’autorité, pour être acceptée, ne pourra se fonder sur la justification d’un titre ou d’une élection mais reposera sur la dimension morale de celui ou celle qui l’exerce. »

 

 Page 31 : « On parle souvent de ce que les hommes font du pouvoir mais jamais assez de ce que le pouvoir fait des hommes. Un certain nombre d’élus, y compris des élus locaux, n’ont pas pris conscience du fait qu’ils sont porteurs du pouvoir de respecter la loi et de la faire respecter mais en aucun cas d’un pouvoir d’imposer leur loi.

 

Le véritable enjeu, pour la société actuelle, est que tous ceux et celles qui sont porteurs d’une autorité doivent prendre conscience du fait que cela n’est pas un gage de supériorité mais de responsabilité. Aujourd’hui, la dimension statutaire de leur autorité ne vaut rien pour l’acceptation de cette autorité. C’est au contraire la dimension morale, exemplaire, éthique de cette autorité qui fait que les gens l’acceptent. C’est à ces conditions de respect de la loi par les élus qu’il y a un consentement à la loi par les citoyens. De la part de l’élu comme du citoyen, cela constitue un défi de respect réciproque, qui ne peut être relevé que s’il existe une loi supérieure respectée par tous ».

 

En réponse aux affaires 2010 (Bettencourt, Woerth, Copé … lire « Pour en finir avec les conflits d’intérêts », de Martin Hirsch), le médiateur glisse un mot sur les « conflits d’intérêt » qu’il préconise justement de proscrire.

 

N’oublions pas que le cumul des mandats est une sorte de conflit d’intérêt et d’abus de pouvoir - abus légal, j’en conviens, mais abus tout de même qu’il faudra bien éradiquer un jour.