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07 janvier 2011

La gratuité, symbole de valeur

J’ai longuement hésité sur la gratuité des transports en commun. Durant la campagne électorale de 2008, nous avions proposé la gratuité pour les jeunes et les retraités, compromis facile entre ne rien dire sur le prix des transports et passer pour un démagogue peu sérieux. Ensuite, Gimbert m’a convaincu que les tarifs fixés étaient presque gratuits. Là-dessus, attiré par la philosophie de la décroissance et régulièrement perturbé par la saturation du réseau ferré régional et national, je me suis persuadé qu’il ne fallait rien faire qui puisse inciter à la mobilité. Car bouger, c’est consommer.

 

Quand même, il y avait quelque chose qui me chiffonnait. Les musées en Isère sont gratuits, et tout le monde trouve que c’est une excellente décision pour susciter la fréquentation. Alors, pourquoi la gratuité ici, et pas là ? 

 

Souvent, j’en discute à la maison. J’ai un fils avec un abonnement TransIsère pour aller à Grenoble. J’ai oublié le prix, ce n’est pas ruineux, même si à l’année ce n’est pas gratuit. Mon second fils prend épisodiquement les Transports du Grésivaudan, le vendredi pour rentrer de la gare, en alternance avec le Stop. Il n’a pas toujours d’argent sur lui, mais le bus, lorsqu’il parvient à se synchroniser avec le train, est rarement plein et les conducteurs, toujours heureux de transporter des voyageurs, sont assez conciliants.

 

Oui, c’est presque gratuit. Donc, le prix est symbolique. Hélas, le symbole fonctionne à l’envers. Pour dissuader. Pour dire « rien n’est donné, renseigne toi sur le prix ».

 

Contrairement à ce que voudraient nous faire croire les économistes classiques et autres théoriciens de la concurrence libre et parfaite, notre rationalité est fortement limitée. Nous raisonnons par simplification. Nos choix sont dictés par nos croyances. Pour beaucoup de gens, presque gratuit = payant. Ce que l’on retient, c’est que la liberté, c’est le transport individuel, et la contrainte, le transport en commun. Le transport en commun a perdu la bataille idéologique.

 

Faut-il se résigner à l’envahissement par la voiture ? Comment pourrais-je prôner le péage urbain sans, en même temps, réclamer la gratuité pour les transports en commun ?

 

J’aime bien cette expression de révolution copernicienne. Voilà ce qu’il nous faut. Les routes sont gratuites, les transports en commun payants. Inversons les choses. Ce sera d’abord symbolique, puis la force des symboles transformera le réel.

 

7 janvier 2011

 

 

Lire le dossier « Gratuité » publié par les Antennes, oct / novembre 2010. www.lesantennes.org

Convaincu ?

Aux Antennes, on a débattu. Mais qui va payer ? Nombreux sont les opposants qui s’arrêtent sur cette sentence « la gratuité, c’est trop cher ! ». La question mérite d’être approfondie. Mais les dépenses induites par la billetterie, si elles sont supprimées, peuvent-elles financer en partie la gratuité ? Quels sont les coûts cachés que suscite la circulation automobile ? Moins de voitures en ville, c’est moins de pollution (sachant que les transports sont responsables de 50 % de la pollution et que l’automobile représente 98 % de la consommation d’énergie dans les transports). Moins de voitures en ville, c’est aussi toute une infrastructure qui s’amoindrit : parking, voirie... Ce sont aussi bien d’autres intérêts périphériques qui ont un coût : maladies, accidents, allergies, etc. À Seattle, la gratuité est financée par les commerçants du centre-ville et dans la communauté d’Aubagne et L’Étoile, elle est prise en charge par « un versement transport » prélevé sur les entreprises de plus de 9 salariés.

Et l’augmentation des incivilités ? Dans tous les cas observés : Colomiers, Compiègne, Vitré (où les voyageurs sont passés de 47 000 à 120 000 passagers par an), Châteauroux et Issoudun dans l’Indre et à Mayenne (Mayenne), les incivilités n’ont augmenté qu’en proportion des augmentations de fréquentation.

La gratuité a-t-elle des effets positifs ? Dans le cas d’Aubagne, par exemple, elle a provoqué une augmentation de 90 % de la fréquentation des transports en commun. 20 % de ces adeptes sont de nouveaux utilisateurs des TC. Le sociologue Alain Mergier a constaté lors d’une étude : « la gratuité produit un effet de valorisation des transports en commun et du territoire de l’agglomération. Ainsi, 80 % des usagers considèrent qu’elle « a rendu l’utilisation des bus plus conviviale. » Les jeunes sont aussi très preneurs car cette solution renforce leur autonomie.

Notre conclusion : la gratuité n’est pas une idée folle, elle mérite qu’on l’étudie, elle induit beaucoup d’idées reçues. Elle doit être assortie d’un plan global de circulation, de stationnement, de développement des TC…

Le vrai débat n’est-il pas : la mobilité est-elle un droit, un service ou une prestation sociale ? Ne doit-elle pas répondre à deux urgences : l’écologique et le social ?

Jean-Michel ASSELIN

 

 

Publié dans Mobilité | Commentaires (1)

Commentaires

Merci pour vos textes sur la tarification du transport en commun, la mobilité, etc.

J'ai déposé lundi mon mémoire de maîtrise sur la question. Le titre est «La tarification du transport en commun: un enjeu central de gouvernance».

Je poursuis mes recherches au sein de l'organisme Transport 2000 Québec. Vos textes sont fameux et méritent de citer plus haut dans la liste de Google.

Ici, l'objet «tarif» est occulté. Un tabou. C'en est presqu'un écran de fumée cachant des objectifs politiques, sorte de fumisterie, consacrant les inégalités sociales qui gagnent en épaisseur, vu les besoins grandissants de mobilité.

Au Québec, il n'y a qu'un cas de gratuité, dans un petit village (1 seul bus).

Je propose l'enchâssement du droit à la mobilité (ça n'existe pas au Québec), une diminution de 50% de la passe mensuelle (sur 10 ans en $ constants), ainsi qu'à court terme, l'instauration pour Montréal d'une tarification sociale (critère: le revenu) et solidaire (élargissement des statuts pour prix réduits, dont l'adoption d'une U-Pass universitaire). Financement: soit le fractionnement de la taxe de vente TVQ (modèle américain) ou un versement transport (exemple français), une augmentation de la taxe sur l'essence dédiée au transport collectif, ainsi que de dédier une part des nouveaux investissements aux opérations, etc.

Mais c'est pas demain la veille qu'on verra les couleurs de mes recommandations!

Bonne journée.

Écrit par : Normand Lalonde | 19 janvier 2011

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