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06 novembre 2012

Gallois, Gimbert et l’industrie du Grésivaudan

C’est notre actualité. Le 9 juillet 2012, Francis Gimbert est élu président du Grésivaudan. Dans son premier éditorial (Interlignes, n°13), il affiche « les priorités qui s’imposent : l’emploi d’abord, une priorité et une actualité qui s’imposent à nous ».

Comme en écho, le 11 juillet, le premier ministre écrivait la lettre de mission de Louis Gallois et lui confiait une triple ambition : « la compétitivité, la croissance et l’emploi ».

Quatre mois plus tard, on constate qu’il y a eu des pertes en ligne …  

Louis Gallois a clairement privilégié l’objectif de compétitivité, comme l’indique le titre de son rapport : « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », et comme il l’affiche dès les premières phrases : « Tous les indicateurs le confirment : la compétitivité de l’industrie française régresse depuis 10 ans et le mouvement semble s’accélérer (…) La perte de compétitivité industrielle est le signe d’une perte de compétitivité globale de l’économie française ».

Je ne regrette pas que la croissance passe à la trappe. Mais l’emploi !

Gallois voit l’emploi comme une retombée indirecte de la compétitivité. Il se situe ainsi dans le paradigme de la société de concurrence : « la politique de la concurrence domine toutes les politiques européennes qui ne peuvent se déployer que dans le cadre qu’elle définit. Cette domination est également idéologique (…) ».

Face à ce constat, nous n’avons droit qu’à une proposition très ambiguë et bizarre : « la politique de la concurrence doit être davantage mise au service de l’industrie européenne (je suis d’accord) et de sa compétitivité (mais là, on tourne en rond : la compétitivité vise à mieux s’insérer dans la concurrence. Comment la concurrence peut-elle favoriser la compétitivité ?). Nous proposons donc que toutes les décisions concernant la concurrence soient accompagnées d’un avis d’experts économiques et industriels, extérieurs à la Commission ; cet avis serait public ».

On comprend que Gallois voudrait bien limiter ou contrôler la concurrence, mais il n’ose pas le dire. Dommage. Le dogme de la concurrence peut dormir tranquille. Voilà qui ne va pas rassurer tous ceux qui souffrent de cet esprit de compétition qui survalorise les gagnants, broie les perdants et ronge la société. Faut-il écraser les espagnols, les roumains et les chinois pour redresser notre pays ? Non.

Alors, revenons au Grésivaudan. Il faut inverser l’ordre des facteurs, et là on retrouve l’idée de Gimbert : priorité à l’emploi. Dans le raisonnement, c’est le besoin d’emploi qui doit conduire à l’industrie. Si on oublie l’emploi, on peut développer une industrie compétitive hors sol.

Gallois l’affirme : « un emploi industriel génère 3 ou 4 emplois hors industrie ». Il ne cite pas ses sources et apparaît beaucoup plus optimiste que le rapport Reverdy (mai 2012, « Analyse de l’impact de STMicroelectronics sur l’emploi et le pôle économique Grenoble-Isère ») qui concluait à un ratio de 2,1 emplois dans le tertiaire pour 1 emploi créé dans la filière industrielle. Mais le consensus est solide : l’industrie permet un effet de levier significatif sur l’emploi.

Conséquence immédiate : dans leur politique de développement, les collectivités territoriales doivent se focaliser sur l’industrie.

Soyons concrets : nos communes et notre communauté de communes doivent arrêter de favoriser la consommation, l’installation de surfaces commerciales ou logistiques, de plateformes de services, et doivent concentrer leurs maigres ressources (financières, humaines, foncières …) sur les ateliers de production, à savoir l’industrie au sens historique du terme.

Le rôle des collectivités locales n’est pas de bêler avec les moutons, hurler avec les loups ou prendre le train en marche, bref, de subventionner ou encourager ce qui fonctionne déjà. La désindustrialisation vient (au moins en partie) de la course éperdue vers la compétitivité et du désintérêt, voire même d’un certain mépris, des dirigeants pour la production. Dès lors, les collectivités doivent prendre le contre-pied de la« société de la connaissance » (qui porte en germe le rejet des activités productives), investir dans la production et agir résolument, à leur niveau, pour fausser la concurrence.

Quels exemples concrets ? Et bien, c’est là que la démocratie participative et le dialogue seraient utiles. Demandons aux citoyens, au comité de développement, aux comités d’entreprise et aux organisations syndicales de la vallée ce qu’ils en pensent.

Monsieur le président Gimbert, pour qu’un sujet soit traité, il doit être visible. Si le chômage persiste depuis si longtemps à un niveau si élevé, c’est que beaucoup d’énergie a été consacrée à masquer ou éluder ce problème, et beaucoup moins à le crier. Si l’emploi est votre priorité, les questions relatives à l’emploi doivent être les premières discutées dans les instances communautaires.

Ma première proposition est de commencer chaque réunion de bureau communautaire, chaque réunion de conseil communautaire par des temps de parole confiés à des acteurs économiques porteurs de la problématique « emploi » : des comités de chômeurs, des entrepreneurs, des comités d’entreprise, des conseillers pour l’emploi … Il faudra de la ténacité, ce sera lourd et fastidieux, mais le pire serait que l’emploi d’abord ne soit qu’un slogan.

Seconde proposition : dire à quoi vous renoncez au bénéfice de la priorité pour l’emploi. Pas de priorité sérieuse sans renoncement. Je sais, ce n’est ni facile, ni dans la culture politique. Ce sera donc une innovation, une vraie, porteuse d’avenir.

Troisième proposition : revisiter le budget de la communauté de communes pour créer un fonds intercommunal de soutien à l’emploi dans l’industrie. Inviter les communes à faire de même. Orienter l’épargne locale vers ce fonds. Votre boulot pourrait être de fédérer l’engagement des citoyens pour l’emploi industriel.

Enfin : tous les six mois, faire le point publiquement sur les actions menées pour l’emploi.

Que produire ? J’ai déjà dit que je n’en savais rien, d’autres auront des idées … mais quand même, je ne peux m’empêcher d’évoquer quelques secteurs. Je garde le principe du contre-pied. Investissons l'argent public local dans ce qui a été délaissé, souvent considéré comme has been, mais qui est consommé sur place et ne demande pas des complexes industriels hors de notre portée : le textile, l’ameublement, les vélos, les matériaux de construction …

Monsieur le président Gimbert, le gouvernement cherche à agir via la compétitivité. Soyez complémentaire, et agissez au plus près de l’emploi.

Francis Odier, 6 novembre 2012

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