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22 janvier 2012

L'engagement dans une époque obscure

Fiche de lecture : De l’engagement dans une époque obscure

Miguel BENASAYAG et Angélique DEL REY. Edition : le passager clandestin - septembre 2011.

A partir d’une réflexion sur « ce qui vraiment change le monde », les auteurs argumentent, tout au long de cet ouvrage très stimulant, leurs convictions sur l’engagement dans la société. Ils proposent une sorte de philosophie de l’action qui prend à contre-pied les mythes révolutionnaires, les théories générales, les politiques globales qui sont vouées à l’échec ou ne peuvent que conduire à l’oppression.

 Deux concepts fétiches fondent la théorie de l’engagement qui nous est proposé ici : la situation, le territoire. L’impératif est de territorialiser les luttes.

 « Nos territoires sont nos surfaces d’affectation (…) La manière dont je suis affecté par le monde est le point de départ de mon agir. La territorialisation est le moyen de récupérer les liens qui nous composent (…) Les individus sont tissés par les situations qu’ils traversent. C’est pourquoi le développement des liens est le commencement de l’engagement ».

En première approche, la thèse ressemble beaucoup à l’idée « agir local », principe d’action qui anime désormais la plupart des militants associatifs et qui est aussi très répandu dans le domaine du management et de la conduite du changement en entreprises.

Mais, et c’est là son originalité, l’analyse de Benasayag & Del Rey conduit à la contestation radicale de l’utilité, voire la pertinence, de « penser global ».

Se fondant sur la théorie de la complexité (« A un moment donné, il devient impossible de séparer les parties d’un système complexe (…) L’individu est impuissant à apporter des solutions (…) car fondamentalement il est lui-même le produit du système auquel il voudrait résister (…) On n’agit pas vraiment, on est agi par l’extérieur »), les auteurs insistent sur le primat de la connaissance. « On est toujours déjà engagé (…) La question qui prélude à l’émancipation est donc « comment participè-je du monde ? ».

 Plutôt que « penser global et agir local », les auteurs nous invitent à penser et agir en situation.  

 Se portant en faux contre le constructivisme, Benasayag & Del Rey considèrent que « ce qui ordonne les situations doit être trouvé et ne peut pas être construit ». D’où cet engagement-recherche qu’ils promeuvent, d’où cet impératif de lucidité : « connaître est agir ».

Pour moi, observateur impénitent des mœurs politiques, élu municipal minoritaire dont l’action publique a été limitée, bon gré mal gré, à l’analyse, la critique et la publication de chroniques et dossiers, ce lien direct qui est fait ici entre la connaissance et l’action est la plus belle des légitimités.

 Belle surprise : je croyais lire l’apologie de l’action concrète, je découvre l’éloge de la recherche. Avec en prime, une invitation à la résistance sous forme de proverbe indien : « il n’y a que les poissons morts qui nagent avec le courant », ce qui me rappelle Gilles Vigneault qui chantait « C’est en remontant la rivière qu’on apprend le sens de l’eau ».

« La lutte n’est pas le résultat de l’espoir (…) l’optimisme naît du fait de se trouver sur la route ».

Ce petit livre sur l’Engagement dans une période obscure est un bijou. C’est la première fois que je lis un tel discours lumineux qui valorise autant l’engagement de proximité, qui mise tout sur les individus reliés (en rupture à la fois avec l’individualisme et avec les communautés ou les classes sociales), tout en théorisant qu’il est superflu de s’intéresser aux résultats (en rupture avec l’idéologie de la performance gestionnaire).

 A dire vrai, ce n’est pas tout à fait la première fois que j’entends un tel discours … car en y réfléchissant bien, au risque de choquer les sophistes ou les encartés étroits de tout poil, je retrouve ici, sur le fond, la pédagogie de l’action, cette bonne vieille B.A. (la bonne action) du scoutisme et quelques principes bibliques de mon éducation protestante.

 Compagnon de route de Che Guevara qu’il cite en entame du prologue (Un révolutionnaire fait la révolution), Benasayag est adepte de Deleuze dont il reprend la notion de jurisprudence (toute lutte qui réussit crée un nouveau possible (…) créant une jurisprudence) et de Spinoza (Plus j’ignore mes chaînes, plus je suis esclave). Pour compléter, je serais curieux de relire les évangiles avec lui, en commençant par les paraboles du bon samaritain et du semeur.

L’engagement au présent et en situation est une réponse concrète à la déprime collective, au sentiment d’impuissance qui nous habite si souvent et nous révolte parfois.

 « Les paroles nous divisent, les actes nous réunissent » [Manifeste des indiens Tupamaros, Uruguay, 1960].

 Voir la La fiche de lecture complète -  Fiche de lecture - engagement ds époque obscure.pdf  

- une application concrète de la théorie de la complexité

- agir localement pour faire jurisprudence

- la question de la focale : à quel niveau agir ?

- penser et agir en situation : mon témoignage - de l'agro à la prévention des risques professionnels

- tous candidats ! Un rapprochement avec la campagne lancée par Pierre Rabhi

- quelle focale choisir : l'exemple des 35 h  - peut-on agir globalement et en situation ?


 

 

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