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23 décembre 2010

Le loup et la digue

L’ami Edgar le dit toujours : il faut relier les idées.

 
Alors, quoi de commun entre la digue et le loup ?

Et bien, dans les deux cas, nous avons une menace pour la sécurité qui suscite une mesure de protection, laquelle s’avère globalement néfaste.

L’idéal du monde normalisé, avec zéro risque, imprègne notre société à un niveau que l’on aurait tort de sous-estimer. Désormais, les protections sont menaçantes. Et je ne pense pas seulement à Hortefeux avec ses caméras de surveillance et ses carabiniers embusqués à la Villeneuve.

Regardons d’abord le loup. Les belles âmes environnementalistes se réjouissent de la croissance continue de sa population. Le loup est désormais bien installé dans la plupart des massifs alpins, et fait de temps en temps quelques incursions remarquées dans le Massif Central, le Jura ou les Vosges. Mais les loups cohabitent difficilement avec les bergers qui l’accusent de faire périr leurs brebis, soit sous leurs crocs, soit en les faisant fuir vers le précipice. Alors, les bergers ont pris des chiens.

Dans le Jura, la moitié des éleveurs ont eu des conflits avec le voisinage à cause de la présence de leur chien de protection (cf une étude citée par France Nature Environnement, décembre 2010). Et je ne laisserai personne dire qu’un patou est gentil, ni qu’il reste toujours à proximité de son troupeau. Quelques expériences estivales m’ont forgé une conviction : le danger, c’est le chien, pas le loup. S’il faut protéger les brebis, peut-être faudrait-il d’abord aider les bergers, et accepter de tirer sur le loup.

Venons-en à la digue. Comme une meute grandissante repue de brebis, les citadins se pressent au pied des coteaux, attirés par la nature et l’air frais qui descend le soir du plateau de Chartreuse. Mais la falaise n’est pas une pierre figée, et des blocs parfois s’en échappent et dévalent la pente. On peut en voir quelques-uns au milieu des arbres à mi pente, ou égarés dans un pré à proximité des maisons. Depuis des centaines d’années, c’est ainsi, et les villageois avaient su trouvé des zones sûres. Mais le préfet et le maire ont peur des blocs et du loup. Construisons une digue pare-blocs, élevons des chiens anti loups. La digue est en pneus, elle défigure le coteau, brise la continuité écologique … qu’importe. Il faut sécuriser.

Un jour un éboulement franchira la digue. Il suffira de la rehausser. Il serait si simple de ne plus construire sous les coteaux.

Un randonneur est mordu par un chien, exigeons un certificat d’aptitude à l’élevage des chiens de protection. Un enfant est attaqué par un loup, interdisons la zone aux randonneurs non accompagnés par un professionnel.

Serions-nous dans le brouillard à confondre la menace et la protection ?

En réalité, le loup a bon dos, car le principal prédateur perpétrant des dégâts sur les troupeaux est le chien domestique.

De mémoire historique, dans tout le Grésivaudan, il n’y a pas trace de victime morte ou blessée dans sa maison par chute de bloc … alors que l’effondrement du Mont Granier fit des milliers de morts en 1248, ce qu’aucune digue n’aurait empêché.

Ainsi va le monde, nous préférons des illusions de sécurité à la réalité des menaces.

23 décembre 2010