09 mai 2010
Sortir du cumul par la loi : oui, mais gare à l'évitement des responsabilités
Dans un article du Monde (4 mai 2010), Guy Carcassonne, constitutionnaliste réputé, explique admirablement bien en quoi « le cumul des mandats est une plaie. Il faut la cautériser ».
Mais l’objet de son propos n’est pas d’argumenter la nocivité du cumul des mandats, nocivité qui est reconnue par l’immense majorité de ceux qui se sont intéressés à la question. En fait, il vient au secours des parlementaires de tous bords menacés, directement ou non, par l'intention du Parti Socialiste de mettre fin, unilatéralement s’il le faut, au cumul des mandats.
Selon Guy Carcassonne : « Il faut cautériser la plaie. Mais seule la loi peut le faire car le cumul, aussi longtemps qu’il n’est pas juridiquement interdit, est politiquement obligatoire (…) Il n’est malheureusement pas au pouvoir d’un seul parti de donner le bon exemple, en escomptant sa contagion. L’avantage concurrentiel qu’il pourrait tirer de sa vertu ne pèserait guère au regard du handicap électoral qu’il s’infligerait à lui-même. Pis ! Le dommage qui en résulterait dissuaderait définitivement les autres de le suivre dans cette voie ».
On comprend aisément qu’un spécialiste du droit public imagine prioritairement une solution juridique pour traiter un problème de société. Mais ce discours radical - la loi seule - me semble dangereux.
D’abord, autour de moi, dans le Grésivaudan, à Crolles et en Isère, où les partis de gauche sont solidement installés, le renoncement au cumul ne menacerait en rien les autres mandats des « grands élus ». Ce n’est pas la présidence de la Métro qui a fait la notoriété de Didier Migaud. Ce n’est pas celle du Grésivaudan qui fait l’influence de François Brottes à l’Assemblée Nationale. Michel Destot n’a pas besoin d’être député pour être un maire à l’autorité reconnue. En posant comme un postulat que le cumul est politiquement obligatoire, Guy Carcassonne fait une généralisation abusive qui exonère bien trop vite tout parlementaire d’une réflexion sur sa situation propre.
Le cœur du raisonnement de l’auteur est cette notion d’avantage concurrentiel dans le processus électoral. Voilà une vision désolante de la politique, centrée sur la compétition pour accéder aux mandats.
L’auteur nous plonge ainsi dans ce débat vieux comme le monde de la fin et des moyens. Attention, ici comme souvent : la fin (être élu) ne justifie pas les moyens (le cumul).
Je suis bien d’accord qu’un seul élu, un seul parti, ne peut pas espérer créer la contagion en donnant le bon exemple. Mais est-ce une raison pour que les élus renoncent à l’exercice de leur responsabilité individuelle ?
Une société court à sa ruine quand ses élites préfèrent poursuivre leur intérêt particulier, ou l’intérêt de leur parti, plutôt que l’application des bonnes règles.
Sur une question de société, de comportement, se retrancher derrière la loi est un aveuglement dangereux. Prôner le renoncement à la responsabilité individuelle mène tout droit à la faillite. C’est en ce sens que la question du cumul des mandats est exemplaire.
8 mai 2010
Nb : pour mémoire, pour les mandats où l’élection se fait au suffrage indirect, tous les élus-électeurs sont en situation de responsabilité vis-à-vis du cumul.
A propos du point de vue du PS :
http://projet.parti-socialiste.fr/category/zoom-sur/zoom-...
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