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05 avril 2012

De Bayrou à Mélenchon, itinéraire d'un idéaliste

Pour l’élection présidentielle 2012, pour la première fois, je vais voter pour la Gauche, après avoir défendu l’idée pendant des années que le clivage droite – gauche était stérile !

Ce vote Mélenchon qui s’annonce serait-il une coquetterie, le jeu dangereux d’un nanti qui n’a rien à craindre d’une aggravation de la crise, le renoncement d’un désabusé de la politique, le suivisme coupable d’un phénomène de mode ? … et que sais-je encore ! Non, il n’y a rien de tout ça. Certes, vous pouvez convoquer Freud et Lacan en colloque pour leur faire dire mes motivations, mais je préfère les expliquer moi-même.

Mélenchon est le seul des impétrants qui porte vraiment les idées d’égalité et de fraternité. Il les entraîne à la manière d’un char de tête dans un carnaval qui ouvre la marche, attire l’attention et reçoit les premiers jets de farine. Mais très vite, la foule oublie la tête et se mêle aux attelages suivants. Les spectateurs et ceux qui défilent font corps, ils forment société. De ce désordre joyeux et parfois violent, émerge peu à peu une nouvelle république imprévue. Le carnaval se disloque, les masques tombent, beaucoup ont la gueule de bois, revoilà business as usual … mais la transformation est réelle, la tourmente a laissé des traces, semé des germes venus d’autres mondes, certains dogmes ont été abattus, d’autres ont pris la relève, l’égalité respire, le mouvement favorise la vie.

Dans une société bloquée et étouffée sous la pensée unique, l’alternance ne peut être que salutaire. Inutile de théoriser trop longtemps, en avril 2012, l’alternance humaniste et raisonnable est représentée par le camarade Mélenchon.

L’ambassadeur des Etats Unis, observateur attentif de notre pays, l’a dit : entre Hollande et Sarkozy, il y a des nuances. En visite à Londres, François Hollande le confirme : « La gauche a été au gouvernement pendant 15 ans au cours desquels nous avons libéralisé l'économie, ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n'y a rien à craindre". Le clivage droite – gauche n’avait plus de sens avec le face à face UMP / PS, mais il renaît avec le Front de Gauche.

Depuis des lustres, je baigne dans l’analyse des systèmes et la théorie de la complexité. Alors, je lis les programmes électoraux avec du recul et je m’intéresse peu aux chiffrages et contre-chiffrages. L’évaluation des propositions est une affaire sérieuse qui mérite mieux que des batailles de maquignons qui s’envoient à la figure des milliards sortis de nulle part. Comment un candidat extérieur au système, avec des militants experts mais sans bataillon de hauts fonctionnaires et de chercheurs à son service, pourrait-il chiffrer  les effets potentiels de dispositions encore floues et qui sortent du cadre de référence utilisé par les modèles économétriques ? Les effets d’une innovation sont difficiles à évaluer. L’exigence de chiffrage est un signe de conservatisme.

Qui peut prédire la suite des événements ? Qui peut anticiper correctement les phénomènes en chaîne, les effets foisonnants induits par une politique ? En faisant abstraction des aspects tactiques de propagande, les programmes ont pour but d’illustrer les intentions des candidats. Il ne faut pas les prendre au pied de la lettre, d’autant que je milite pour la pleine autonomie de proposition et de vote des parlementaires.

Dès lors, quelle que soit la sincérité du candidat, les propositions engagent peu et ne doivent pas être déterminantes pour la préférence exprimée dans l’urne. Le vote est un pari, un choix de confiance, ce n’est pas un rouage actionné dans un mécanisme déterministe.

Mélenchon fera-t-il progresser l’écologie ? Je n’en sais rien. Il le dit. Il prend ses distances avec la croissance. Il est plus crédible que bien des barons du PS, Ayrault avec son aéroport, Collomb avec son grand stade, Vallini avec sa Rocade Nord et son parc des Chambarans, Brottes avec ses grandes surfaces commerciales, sa déviation, ses terrains de foot synthétiques, ses vestiaires et sa parodie d’Agenda 21 … arrêtons là, l’inventaire serait cruel pour ceux qui font alliance avec ces nucléocrates, grands bâtisseurs asservis à la croissance.

Par égard pour mes contradicteurs, je dois répondre à deux objections très courantes.

Incroyable, te voilà communiste ! Non, je reste moi-même, centriste (ce n’est pas moi qui change, ce sont les circonstances), et récalcitrant aux étiquettes que l’on voudrait me coller. Dans cette affaire, la proximité avec les communistes est un fait, ce n’est ni un problème, ni un sujet de débat. Je connais peu le PC, même si je côtoie souvent avec bonheur des syndicalistes adhérents ou sympathisants de ce parti. A Crolles, les élus communistes sont inféodés au PS et ils vivent cachés. Dommage, j’aurais bien aimé discuter politique avec eux. Il y a quelques années, le groupe « Républicains et Communistes » a présenté un vœu au conseil municipal. Je l’ai voté tout en demandant que le vœu soit signé nominativement afin que l’on sache qui était communiste au conseil. Le mystère demeure. Le succès de Mélenchon va peut-être en encourager quelques-uns à sortir de leur discrétion.

Voter Mélenchon, c’est faire le jeu de Sarkozy. Le vote utile est un vote spéculatif qui consiste à oublier le candidat de sa préférence, au profit de celui que l’on pense le mieux placé en fonction de ce que l’on pense être le choix le plus probable des autres électeurs. La démocratie crève de ces manœuvres qui détruisent la sincérité du processus électoral. 

Enfin, il faut écarter le débat sur la personnalité et l’expérience du candidat, même si Mélenchon réussirait brillamment tous les examens qu’on voudrait lui faire passer. Une élection présidentielle n’est pas un casting, un recrutement, un concours de beauté. C’est le choix conjoint et indissociable d’une personne, de ses groupes de soutien, des idées qu’elle défend, de la culture politique qu’elle véhicule. Si on veut que la politique soit une affaire collective, et non le combat des égos, si on pense que les mouvements sociaux et l’avancée des techniques ont plus de poids dans l’histoire que les décisions individuelles des pseudos grands-hommes, alors, au moment du vote, on doit faire l’effort – même si ce n’est pas facile – de s’affranchir des personnalités.

C’est pourquoi, à regret, j’abandonne Bayrou, même si, humainement, je pense que c’est le meilleur de nos dix prétendants 2012. Au plan collectif, je ne vois plus le sens d’un vote Bayrou. Sa candidature est trop solitaire, les idées mises en avant restent celles de 2007 alors que le monde a bougé autour de nous, la perspective du retour à l’équilibre budgétaire ne me fait pas rêver, la diversité prometteuse avec Corine Lepage et son mouvement Cap 21 a fait long feu, sa proposition récente concernant la flexibilisation du marché de travail a emporté mes dernières hésitations, son projet de référendum vient trop tard. 

Bayrou a eu raison avant beaucoup d’autres sur le besoin de moralisation de la vie politique, sur le caractère artificiel et stérile de la bipolarisation, sur les effets pervers de la dette, sur la privatisation scandaleuse des sociétés d’autoroutes, sur la dangerosité de Sarkozy … Oui, mais la présidentielle n’est pas un tableau d’honneur où on récompense les personnes supposées les plus clairvoyantes ou compétentes.

Avril 2012, vivement une franche alternance.

Francis Odier

01 février 2012

Les chiens de garde - France Inter 1er février 2012

Les chiens de garde, il faut les débusquer.

Voici un exemple de médiocrité journalistique, aujourd'hui même, sur France Inter, radio du service public. Mélenchon est l'invité de Patrick Cohen. J'écoute de 8 h 20 à 8 h 30.

Sur ces 10 précieuses minutes, le journaliste trouve le temps pour parler de deux sujets minuscules, sur lesquels tout le monde connait parfaitement la position de Mélenchon, deux questions qui ont pour seul but de polémiquer, d'amuser au lieu de réfléchir, de rabaisser le débat, de discréditer l'interlocuteur. A propos de Marine Le Pen : est ce que cela vous ennuie qu'elle n'obtienne pas ses 500 signatures ? A propos de Serge Dassault : c'est vrai que vous le trouvez sympathique ?

Comment s'étonner, dans ces conditions, que le conservatisme l'emporte ?

Francis Odier, 1er février 2012

A lire : critique enthousiaste du film Les nouveaux chiens de garde :

http://www.lecrollois.fr/archive/2012/01/08/les-nouveaux-chiens-de-garde.html