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03 avril 2012

Le funeste accord PS EELV

Qu’il est difficile d’être écologiste !

Autrefois, l’écologie s’intéressait à l’environnement. Alors, les belles âmes déploraient de manière condescendante : c’est très intéressant … mais la politique, c’est beaucoup plus vaste, beaucoup plus compliqué. Bien sûr, nous vous consulterons …

Ensuite est venue l’écologie politique. Les beaux bourgeois, les chiens de garde, les vieux militants et les spectateurs des joutes électorales se sont écriés : mais vous abandonnez l’environnement, l’écologie a déserté la campagne !

Cruel dilemme, rester dans l’auguste posture du prophète ou plonger dans les remous de l’arène politique contemporaine ?

Europe Ecologie les Verts, ce mouvement qui portait tant d’espoirs lors de sa création, s’est fourvoyé dans cette alternative manichéenne. Choisissant la 2ème option, celle des compromis de l’alliance, le conseil fédéral du 19 novembre 2011 :

o   Considérant, la proposition d’accord politique portant sur les aspects programmatiques et la proposition d’accord électoral entre Europe Ecologie Les Verts et le Parti Socialiste, adoptées par le Bureau National du Parti Socialiste le mardi 15 Novembre.

o   Décide d’approuver le protocole d’accord de majorité parlementaire entre Europe Ecologie – Les Verts et le Parti Socialiste en vue des élections législatives de juin 2012

Avec le faible score qui s’annonce pour Eva Joly, ce funeste accord entre deux partis politiques est en voie d’être caduc. Faisons confiance à Montebourg, cet animal politique. Dès janvier 2012, il s’est publiquement désolidarisé de l’accord concocté sur un coin de table : il est socialiste, il soutiendra un candidat socialiste aux élections législatives. En voilà un qui a le sens de la cohérence.

Sans tirer sur l’ambulance, c’est le moment de mettre à plat les insultes à la démocratie exprimées par cette négociation calamiteuse entre dirigeants socialistes et écologistes.

La critique n’est pas aisée … car l’accord, tout en étant de notoriété publique, reste partiellement secret. La partie programmatique (« le contrat de mandature ») est facilement disponible sur le web, en particulier sur les sites d’EELV. Mais l’accord électoral lui-même reste introuvable : rien sur eelv.fr, qui pourtant annonce « le texte complet ». S’agit-il d’un accord honteux ? Sur le site officiel du parti socialiste, c’est le silence complet, l’accord n’est même pas cité, absent dans la rubrique « tous les textes votés par le PS depuis février 2010 », absent dans la rubrique « Vie du PS » … et pendant ce temps, le candidat Hollande fait l’apologie de la République exemplaire et prétend donner un nouvel élan à la démocratie

L’accord électoral est secret, mais il existe. Et ce 2 avril encore, en réponse à Montebourg, Moscovici déclare que l’accord sera respecté, ce qui lui donne l’occasion d’étaler sa culture latine : Pacta sunt servanda, les accords sont faits pour être respectés.

Voilà la première tare de cet accord : l’opacité. La publication complète de l’accord, avec les noms et qualités des signataires, aurait permis de clarifier les enjeux : qui est engagé ? Sur quoi ? Au nom de quelle organisation ? Avec quelles sanctions en cas de non-respect ?

J’en viens au fond. Le contrat de mandature liste les points d’accords généraux et prend acte des désaccords concrets sur l’EPR de Flamanville et l’aéroport de Notre Dame des Landes. C’est exactement l’inverse qu’il fallait faire ! L’accord aurait eu du sens s’il avait permis d’acter quelques inflexions significatives et concrètes chez les socialistes. Il aurait été sincère s’il avait reconnu les divergences sérieuses qui séparent l’approche écologique et le modèle productiviste et consumériste de la social-démocratie standard à laquelle adhère le parti socialiste.

Je suis saoulé par les idées générales et les bonnes intentions, et écœuré par le green washing. Jusqu’à présent, les écologistes se distinguaient par une approche alternative de la politique, en lien étroit et en coopération avec le monde associatif. Et les voilà qui placent le concret au second plan ! Lisez Benasayag, De l’engagement dans une période obscure, c’est mon gourou du moment. Le changement suppose de faire jurisprudence : toute lutte qui réussit crée un nouveau possible, toute résistance crée de nouvelles possibilités d’émancipation et de vie, créant donc une jurisprudence au sens où cela devient faisable.

EELV aurait été utile en faisant campagne sur des cas exemplaires … et en préservant ainsi sa cohérence politique : comment un mouvement écologiste peut-il rester crédible en signant un accord qui signifie « les applications concrètes de nos valeurs sont secondaires par rapport aux orientations générales et abstraites » ?

Eva Joly avait eu la juste intuition que cette entente cordiale entre deux partis aspirant à gouverner ensemble n’était pas saine. Elle a bien tenté de prendre de la distance, de dire que cet accord ne la concernait pas … mais, hélas, elle a dû manger son chapeau et plier face aux injonctions de l’appareil qui l’avait mise en selle. C’est une inversion des rôles, un bug affligeant : la candidate à la présidentielle, dont on attendait qu’elle donne sa vision pour le pays, accepte sans trop rechigner le rôle de porte-parole de son parti.

Autant je suis convaincu qu’une candidature à la présidentielle ne doit pas être une aventure solitaire, autant je pense qu’un élu, sur les sujets essentiels, doit être en capacité de défendre son propre point de vue, fut-il en opposition avec son parti. La soumission au groupe est une plaie qui sclérose les débats et enferme dans des erreurs connues de tous mais dont personne n’ose sortir le premier. Je l’ai vécu en direct pendant trois ans au conseil municipal de Crolles. Nous en avons souffert pendant tout le mandat Sarkozy : bien des réformes absurdes, couteuses ou dangereuses auraient été évitées si les députés UMP avaient voté en leur âme et conscience, et non en fonction des ordres transmis par Copé. Et voilà qu’EELV adopte aussi le primat de la discipline du parti. C’est à pleurer.

Le respect de l’esprit des lois est une condition de la démocratie. Dès lors, tout texte qui prétend contraindre les citoyens dans leurs droits ou les élus dans l’exercice de leur mandat est une forfaiture. Bien sûr, chacun reste libre de rester en dehors des partis politiques, mais comprenez mon opposition farouche à ces manœuvres d’appareil qui privilégient la conquête du pouvoir au détriment des bonnes règles démocratiques.

Je suis désolé d’insister et d’en appeler aux fondamentaux, mais une de mes valeurs intangible est que la fin ne justifie pas les moyens. L’objectif « avoir des élus, constituer un groupe parlementaire » ne saurait justifier une pratique, certes légale, mais néanmoins médiocre et qui discrédite le système représentatif.

Comme souvent, les plus virulents pour dénoncer les erreurs commises sont les anciens amis, ceux qui se sentent le plus directement trahis. Je leur donne le mot de la fin, ils sont plus sévères que je n’aurais su l’écrire.

27 février 2012, Corine Lepage enrage : « L’accord Vert PS est ravageur pour l’écologie politique (…) Il apporte la preuve que bien des prétentions des Verts disparaissent dès lors que des jobs leur sont promis : l'abandon du nucléaire qui faisait l'objet d'un ultimatum n'est plus un problème, le choix des candidats par les militants n'est plus un impératif et seul compte le nombre de circonscriptions promises. On peut comprendre parfaitement que compte tenu de la difficulté que représente une présidentielle pour les écologistes, une candidature commune de premier tour sur la base d'un programme soit un choix légitime. En revanche, on ne peut pas comprendre la candidature ET l'accord préalable qui fige le programme quel que soit le score du candidat vert »

3 avril 2012, Dominique Simonnet, ancien président des Amis de la Terre, dans Le Monde : « L’écologie n’est pas morte, c’est l’écologie politique qui n’existe plus. (…) Qui ne l’a vu ? Le parti écologiste a remis au goût du jour les pires pratiques manœuvrières, dignes de la IVe république, en concluant avec les socialistes des accords en trompe-l’œil dans le seul but d’obtenir des circonscriptions et des portefeuilles.

(…) L’écologie est culturelle, sociale, philosophique peut-être, voire poétique. C’est une pratique, un regard porté sur le monde. Ce n’est pas une politique ».

J’aime bien cette vision de l’écologie qui n’interdit en rien d’entrer dans la compétition électorale, mais invite à ne pas transiger sur les pratiques.  

Francis Odier, 3 avril 2012

L'article en version pdf : Le funeste accord PS EELV.pdf

 

accord-2012-EELV-PS.pdf

Accord EELV-PS Europe Écologie Les Verts - avec commentaires sur le web EELV - nov 2011.pdf

Accord PS – EELV un renoncement sous la pression du lobby nucléaire - Réseau Sortir du nucléaire.pdf