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20 mars 2012

Drame de Toulouse, symptôme de démocratie d'émotion

Ce soir, à Froges puis à Crolles, étaient prévues des rencontres avec Arnaud Montebourg et Alain Vidalies, député des Landes, en charge de l’emploi dans l’équipe de campagne de Hollande.

Au petit matin, notre député nous informe : « suite au drame de Toulouse, François Hollande et son équipe de campagne ont décidé de suspendre jusqu'à mercredi les actions de campagne prévues. Les venues d'Arnaud Montebourg et d'Alain Vidalies sur la 5ème circonscription sont annulées. »

Pour moi, cette décision n’est pas bienvenue. Elle est symptomatique d’une démocratie malade, rongée par des dérives si ancrées dans la société qu’on ne les voit plus.

L’hommage aux victimes et la sympathie (au sens propre de souffrir avec) avec leurs proches imposaient sans doute de modifier la forme et le contenu des interventions envisagées, mais non d’annuler ces rencontres avec des parlementaires engagés dans la campagne électorale.

Au contraire, si on voit la politique comme la recherche du mieux vivre ensemble, alors un tel drame devrait décupler nos énergies militantes, nos envies de débattre pour comprendre et proposer. Une campagne électorale devrait être un moment privilégié pour cela.

Voilà ce que je ressens : certains candidats suspendent leur campagne car ils sentent confusément que leurs discours électoraux, sur le fond et la forme, ne sont pas à la hauteur des enjeux de notre société divisée, ne répondent pas vraiment à l’idéal de fraternité que chacun se remémore dans une période de deuil.

Cette suspension sonne comme un signal : alerte ! La campagne manque de profondeur.

Suspendre la campagne après un tel acte criminel, c’est, encore une fois, privilégier la démocratie de l’émotion.

Mélenchon et Bayrou ont fait des choix différents. Je les en remercie.

Et pourquoi faudrait-il que le pays tout entier marche au même pas, ressente les mêmes émotions au même moment, se soumette machinalement aux décisions du chef ?

Les candidats décident ce qu’ils pensent être juste dans leur situation. Mais, ici, dans le Grésivaudan, pourquoi Brottes n’a-t-il pas l’indépendance d’esprit et l’autonomie nécessaires pour décider, avec ses camarades locaux, de la meilleure manière d’adapter la réunion aux circonstances ?

L’excès de discipline et de conformisme nuit gravement à la démocratie.

Francis Odier, 20 mars 2012

A lire sur  http://www.liberation.fr/politiques/01012397154-toulouse-apres-la-treve-la-campagne-redemarre

Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) a pour sa part décidé de poursuivre sa campagne, en expliquant qu'il s'agissait «d'un acte de résistance». «Poursuivre la campagne, c'est un acte de résistance morale, intellectuelle et affective», a lancé l'eurodéputé, avant un déplacement à Massy, sur le thème des services publics. «C'est montrer qu'en toutes circonstances, la vie l'emporte sur la mort», a poursuivi Jean-Luc Mélenchon, dont l'agenda n'a pas été modifié. «Il ne faut pas mettre notre bouillante démocratie entre parenthèses du fait d'un odieux dégénéré assassin», a-t-il ajouté. «Nous ne sommes pas à la merci d'un dégénéré, il ne fait pas la loi, il ne nous impose pas son rythme, nous le rattraperons et il paiera», a-t-il insisté.

François Bayrou, candidat du MoDem, fait de même. «Ce n'est pas avec une parenthèse de trois jours qu'on y mettra un terme (à l'intolérance). Je ne pense pas à ces évènements de façon électorale mais de façon nationale. Ce climat d'intolérance croissant, il faut y mettre un terme. C'est la responsabilité du président de la République et du futur président de la République de dire aujourd'hui : on ne peut pas continuer comme cela», a déclaré à la presse François. Bayrou, en visite à Valence sur le thème de la santé.

(…)

Dès lundi soir, François Bayrou, le candidat MoDem, a relancé (le débat politique) en jugeant que la tuerie de Toulouse trouvait ses racines «dans l'état d'une société» malade de ses divisions et, surtout, en accusant les responsables politiques qui «montrent du doigt» en fonction «des origines» et font «flamber les passions».

«Les hommes publics ont le devoir de veiller à ce que les tensions, les passions, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues», a-t-il dit. François Bayrou n'a publiquement visé personne mais a confié à la presse avoir en tête le discours de Grenoble, dans lequel Nicolas Sarkozy avait établi en 2010 un lien entre délinquance et immigration.

François Hollande l'a suivi mardi sur le même thème. «Il y a des mots qui influencent, qui pénètrent, qui libèrent, ceux qui ont des responsabilités doivent maîtriser leur vocabulaire», a-t-il relevé, «au sommet de l'Etat, rien ne peut être toléré, rien».

27 janvier 2012

Adieu Bayrou, je t'aimais bien

En aout 2010, je pronostiquai la victoire électorale de Martine Aubry.

http://www.edgarie.fr/archive/2010/08/27/martine-dans-un-fauteuil.html

J’avais bien anticipé la chute irrémédiable de Sarkozy, l’effondrement de la bulle DSK, l’abandon de l’UMP par Rama Yade  … J’avais pressenti que Wauquiez et Baroin n’iraient pas très loin … mais je n’avais pas vu venir François Hollande.

Au lendemain de la présentation des 60 engagements, nous y sommes. L’élection présidentielle est jouée. Les médias ont choisi leur candidat. La presse du jour est éloquente. Libération titre « De gauche », ce qui est une manière de faire allégeance au candidat dont nul ne conteste désormais la légitimité. Les Echos ne trouvent pas grand-chose à redire au programme économique. L’envoyé spécial de France Inter à Davos nous explique que les congressistes ne sont pas inquiets. En dehors de l’hexagone, personne n’a pris très au sérieux les diatribes contre la finance, ennemi déclaré de François II. Au contraire, les talents oratoires du candidat socialiste rassurent : le voilà enfin en capacité d’être élu, ce qui éloigne d’autant le risque de se retrouver avec un dangereux extrémiste tel que Mélenchon.

 Que penser de ce futur président ? « La gauche après la droite au Parlement ? Saine alternance ? Un peu plus de logements sociaux, un pour cent de chômage en moins ? Allons-donc ! Un changement de civilisation, voulez-vous dire. Le ridicule tue, mais la grandiloquence paye. En rajouter, majorer l’enjeu : voilà un vice toujours récompensé ». [Régis Debray, Du bon usage des catastrophes, mai 2011].

Allons, point de défaitisme, assez de sarcasmes ! Mieux vaut cette alternance là que la poursuite de la descente aux enfers. Et tant pis si les changements annoncés semblent dérisoires au regard des enjeux (camarades socialistes, est ce que le doublement du plafond du Livret A vous fait rêver d’un monde plus humain, plus écologique ?) 

Les sujets emblématiques que sont Flamanville et Notre Dame des Landes suffisent à prouver, s’il en était besoin, que c’est un vrai conservateur qui se prépare à diriger le pays. Bourgeois, bobos et rentiers, nous voilà rassurés !

 Faut-il chanter dès maintenant Adieu Bayrou, je t’aimais bien, c’est dur de mourir au printemps, tu sais ? C’est l’autre François qui a gagné. Inutile d’inventer de vaines discordes ou de fausses disputes sur des orientations qui ne sont pas si éloignées. Mieux vaudrait une ultime audace, un discours aussi simple que juste et sincère : « Nous sommes tous les deux sociaux démocrates. J’étais volontaire et je pensais être le meilleur, mais force est de constater que François Hollande parvient mieux que moi à rassembler, à fédérer les énergies, de Hulot à Mélenchon, autour d’ambitions mesurées mais utiles. Alors, bonne chance à lui ! Quant à moi, je reste toujours prêt ».

 Un tel discours provoquerait d’abord un moment de stupeur. Très vite, ce serait la curie. Les chiens de garde crierait haro sur le battu : il a perdu, il fuit, il est misérable. Les anciens strauss-kahniens joueraient les indignés: nous n'avions rien de commun ! nous sommes la Gauche !

Puis, petit à petit, le doux murmure des citoyens honnêtes et engagés dans une époque obscure se ferait entendre. Formidable ! Enfin ! Un renoncement constructif. C’est le premier capable de ne pas s’entêter, s’accrocher, s’obnubiler sur le pouvoir. Il ouvre la voie. Une autre approche de la politique. Une invitation à voir derrière les étiquettes. Le triomphe des idées passe parfois par la mort du porte-drapeau.

 

Francis Odier   -   27 janvier 2012